À l’époque du levage, la compagnie embauche 900 à 1 200 manœuvres, jouant la concurrence entre Français et immigrés (principalement Italiens) pour obtenir une main-d’œuvre à moindre coût.

Depuis 1268 les Italiens ont mauvaise réputation. Louis IX a expulsé et spolié les Lombards, les taxant d’usure. L’écrivain Louis Bertrand (1807-1841) les décrit ainsi : Maigres bandits aux prunelles luisantes enragées de mystère et de fanatisme. L’accentuation de l’immigration italienne renforce l’hostilité à leur égard.

En 1881, les Bouches-du-Rhône comptent 66 700 Italiens. Sur 589 000 habitants, 57 900 Italiens habitent à Marseille.

La signature du Traité de Brado fait passer la Tunisie du protectorat italien sous mandat français. Les tensions s’accentuent. En juin, les troupes françaises entrent triomphalement à Marseille, les Italiens présents ne partagent pas tous cette ferveur…

Des coups de sifflets, supposés italiens, mettent le feu aux poudres. Pendant 3 jours, 10 000 personnes se déchaînent sur les Italiens. Un jeune ouvrier menuisier, Fantozzi, est tué à coups de bâtons. Le préfet fait appel à la troupe… Le bilan officiel s’élèvera à 3 morts, 21 blessés, dont 15 ouvriers, dans Marseille.

À la fin du XIXe siècle, 300 000 Italiens résident en France, ils acceptent les travaux que les Français refusent. Les ouvriers français les accusent de travailler à bas prix.

En 1883, plus de la moitié des ouvriers employés dans le service des égouts de Paris sont italiens. Ils sont 800 000 ouvriers étrangers qui, travaillant à tout prix, font outrageusement baisser les salaires, quand ils ne les suppriment pas complètement pour nos ouvriers expulsés des usines. Jules Guesdes, Le Cri du Peuple du 10 février 1886

Pour avoir une main-d’œuvre au moindre coût, la Compagnie des Salins du Midi utilise l’hostilité des ouvriers français envers l’« envahisseur » italien.  

Le 16 août 1893, une dispute éclate entre un Français et un Italien, une rixe s’ensuit. Le Français tombe. La rumeur s’enflamme. Une chasse à l’homme s’ensuit. Le 17 août, 300 personnes munies de bâtons s’en prennent aux Italiens réfugiés dans leurs baraquement.  

Alertés, les gendarmes vont mener les Italiens en convoi pour Aigues-Mortes. Ils sont suivis. Le cortège est attaqué par 500 émeutiers de la ville munis de fusils, faisant de nombreux morts, les blessés sont achevés à coups de bâtons.  

Jusqu’au 19 août, la population locale ratisse la campagne environnante dans l’espoir de découvrir d’autres Italiens. Le bilan officiel est de 8 morts et de 50 blessés ; mais pour le Times, il y aurait eu 50 morts et 150 blessés. Jugé en cour d’assise, les inculpés ont tous été acquittés.